Un salarié menace son employeur d'action prud'homale ? Ne laissez pas faire... mais laissez dire (sans punir)
-En ces temps de révoltes populaires, où certains comparent le mouvement des « gilets jaunes » à celui des « Sans-culottes » (comparaison vestimentaire mise à part), les Juges, à leur tour, ravivent le souvenir de la Révolution Française.
Ils n’hésitent pas en effet à s’appuyer sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, pour motiver leur décision, dans le but évident de sacraliser certaines libertés.
La société Euronext Technologies l’a appris à ses dépens, après avoir licencié, le 13 août 2012, un de ses salariés (cadre supérieur – chef de projet) au motif notamment que ce dernier l’avait menacée d’une action prud’homale, pour dégradation des conditions de travail et harcèlement moral.
L’employeur aurait mieux fait de s’abstenir de faire état de ce grief, puisque la Cour de cassation a jugé le licenciement nul (Cass. soc., 21 nov. 2018, n° 17-11.122).
La Haute Cour considère en effet que « la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entrainant à elle seule la nullité de la rupture (…)».
Elle ajoute même qu’il s’agit là, de la violation d’une liberté fondamentale « constitutionnellement garantie », en faisant référence à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (article 16).
La référence à cette liberté fondamentale a un impact financier majeur pour l’employeur.
DOUBLE PEINE POUR L’EMPLOYEUR
Si la nullité du licenciement a permis au salarié de solliciter la réintégration à son poste ainsi que la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, s’est posée aussi la question de savoir si l'employeur pouvait déduire, lui, les revenus de remplacement (allocations chômage) ou d'activité éventuellement perçus.
Assurément non, selon la Cour de cassation qui, dans ce cas d’espèce, a jugé que l’indemnisation (correspondant à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration) avait un caractère forfaitaire, peu important que le salarié ait perçu ou non des salaires ou des allocations chômage.
Elle accorde ainsi le même régime et la même indemnisation (extrêmement favorable au salarié) que lorsque le licenciement nul concerne un salarié discriminé en raison de son état de santé, ou la pratique d'une activité syndicale.
Notons qu’en revanche, le principe de non-discrimination en raison de l'âge, par exemple, ne constitue pas une atteinte à une liberté fondamentale « constitutionnellement garantie », de sorte qu’en cas de nullité du licenciement prononcé en violation de cette prohibition, il est permis à l’employeur de déduire de l’indemnisation les revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration (Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-14.281).
Contrainte d’indemniser son salarié en réparation du préjudice subi, sur toute la période écoulée (plusieurs années, sur la base d’une rémunération mensuelle de 6500 € brut), et dans l’obligation de réintégrer celui-ci, la société Euronext Technologies a payé le prix fort, le fait d’avoir porté atteinte à une liberté fondamentale.
Comme le chantait feu Johnny, avec sa syntaxe et son style, « la liberté, faut la payer ».
Cher, en l’occurrence.
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