Facebook : Nouveau "mur" des lamentations des salariés ?
-L’An I des ordonnances Macron révolu, l’objectif affiché de « simplifier » le droit du travail est-il aujourd’hui atteint ? Il serait prématuré et audacieux de tirer un bilan global des 5 textes composant ces ordonnances. Notons néanmoins que la simplification prônée n’est, pour l’heure, pas encore au rendez-vous.
Outre un dispositif légal particulièrement dense, le chef d’entreprise, qu’il soit – ou non - « Gaulois réfractaire » au changement, fait face à une relation de travail complexifié par l’introduction des nouvelles technologies, et plus particulièrement par les réseaux sociaux qui répondent à d’autres « codes »…
C’est la Cour de cassation qui, depuis 5 ans tout au plus, se charge d’ériger les grands principes en la matière. Par petites touches, elle dessine les contours de la frontière entre « Espace Privé », confidentiel, accessible aux seuls « amis », et « Domaine Public », ouvert à tous.
Dans ce contexte, que penser des propos d’ordre privé, tenus par un salarié sur Facebook ? Sont-ils ou non sujet à sanctions s’ils sont déplacés ?
Pour l’administrateur du célèbre réseau social, qu’importe la portée (espace public, groupe ouvert ou groupe fermé), il convient de respecter les « standards de la Communauté » qui interdit par exemple, les propos incitant à la haine ou à la violence. Tout utilisateur de Facebook s’y engage, sous peine de se voir supprimer ses publications, ses comptes et ses accès.
Pour la Haute Cour, en revanche, c’est bien la portée des propos qui semble dicter la règle de conduite :
- Diffusés sur un espace privé, les prises de paroles d’un salarié à l’encontre de son employeur, ne peuvent être invoquées par celui-ci dans le cadre d’une procédure disciplinaire, car couverts par le secret des correspondances,
- Si, au contraire, ils sont publics, ils peuvent justifier une sanction dans la mesure où ils excédent la liberté d’expression du salarié.
La Haute Cour a ainsi tranché, le 12 septembre dernier (Cass.soc. 12-9-2018, n° 16-11.690) :
L’affaire concernait une salariée, négociatrice en immobilier, licenciée pour faute grave pour avoir tenu, sur Facebook, des propos « injurieux et offensants » visant sa supérieure hiérarchique.
Plus exactement, il lui était reproché une adhésion (constatée par voie d’huissier) à un groupe (fermé) prénommé "Extermination des directrices chieuses".
Son employeur, au nom prédestiné, l’agence du « Palais », s’est ensuite vu traduit en justice, par cette salariée aux intentions conflictuelles clairement affichées…
La Cour d’appel de Paris saisie de ce litige a donné raison à la salariée, en jugeant son licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Paris 3-12-2015 n° 13/01716).
Pour les juges parisiens, comme pour la Cour de cassation (saisie ensuite par l’employeur), la conversation de la salariée était bel et bien de nature privée, et donc couverte par le secret des correspondances.
Pour justifier sa décision, la Cour de cassation a retenu deux critères d’appréciation sur le caractère privé de cette conversation :
- les propos ont été tenus au sein d’un groupe fermé, accessible uniquement à des personnes agréés par l’administrateur,
- ils ont été diffusés auprès d’un petit nombre (14 dans ce cas) de personnes.
Les juges font donc la part belle à la sacrosainte liberté d’expression du salarié, à qui il appartient juste de s’assurer de l’identité des interlocuteurs à qui il a limité l’accès de ses conversations, avant de poster un message sur le "mur", aussi haineux soit-il !
… L’employeur se consolera en apprenant que, quelques semaines auparavant, la même Cour de cassation avait pour la première fois validé le licenciement pour faute lourde (et non plus seulement pour faute grave) d’un salarié ayant ouvertement menacé de mort un chef d’entreprise (Cass. soc. 4-7-2018 n°15-19.597FD) …
Rien ne vaut l’IRL (*) !
* IRL = acronyme signifiant “In Real Life”, qu’on pourrait traduire par “Dans la Vraie Vie”.Ce sigle est utilisé sur les réseaux sociaux par opposition à la vie “virtuelle” sur Internet.
Télécharger en version imprimable ici - Coupure Gazette du Midi - (22/10/2018)
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